Cette semaine, le courrier nous vient d'un animal bien connu de tous, le coq. Qui a la particularité d'être à la fois respecté comme symbole mais aussi terriblement maltraité durant sa courte existence. Toutefois, comme vous le verrez, on peut y faire quelque chose.
En cette semaine du 14 juillet, j’ai légitimement voix au chapitre. Ne suis-je pas l’incarnation de la République française ? Notre histoire commune s’est dessinée durant l’Antiquité alors que le mot « gallus » en latin signifiait à la fois le coq et le gaulois. Convenons pourtant que notre relation n’a pas toujours été complice.
Napoléon m’a effacé, il préférait l’aigle ou les abeilles. Puis me voilà de retour durant la 3ème République. J’orne même la grille du Palais de l’Élysée. À nouveau, vous m’avez délaissé, préférant Marianne pour incarner l’honorable République. Heureusement, il me reste les clubs sportifs qui ne rougissent pas de me prendre pour symbole. De plus, je demeure au sommet des clochers. Avec moi, c’est le retour à la lumière après les ténèbres de la nuit. Mon chant est celui de l’espoir… Cela dit, avant de m’inscrire dans votre histoire, j’ai connu une incroyable épopée. Mes ancêtres fréquentaient les forêts du nord de l’Inde, de la Malaisie et de l’Indonésie. Déracinés, il se sont retrouvés dans l’Égypte ancienne puis dans la Grèce et la Rome antique avant que nous ne colonisions peu à peu le reste du monde.
Il faut quand même se souvenir que lorsque vous avez commencé à nous « domestiquer », il y a 6 à 8 000 ans, nous ne pondions que 5 à 20 œufs par an, comme beaucoup d’oiseaux sauvages. Au début du 20ème siècle, vos manipulations génétiques ont conduit à une production de près de 200 œufs dans l’année. De nos jours, certaines races devenues des machines à pondre, en livrent plus de 300 par an. Elles ne savent même plus muer et couver. Transformées en mécaniques biologiques, elles subissent un quotidien insupportable : les becs de nos femelles sont « épointés » au laser pour éviter le cannibalisme dû à la promiscuité. Puis elles sont entassées dans des cages ne leur permettant même pas d’écarter les ailes. De leur vie, elles ne verront jamais la lumière du jour. 5 à 15 % d’entre elles meurent chaque année de ces conditions insupportables.
Bien que beaucoup d’entre vous ne veulent plus être complices et refusent d’acheter des œufs issus de la souffrance, plus de 57 % des volailles subissent encore ce traitement. Chaque année, vous abattez 40 millions d’entre nous rien qu’en France. Quant au reste du monde, notre exploitation dépasse l’entendement. Savez-vous que de tous les oiseaux qui peuplent la planète, nous sommes les plus nombreux ? Notre population est évaluée à 23 milliards, ce qui représente 71 % du peuple des oiseaux ! Que d’agonie et de tourments pour notre peuple… Quelques initiatives permettent pourtant de nous soulager.
Les poules ne verront jamais la lumière du jour
Si nous avons une espérance de vie dépassant les 10 ans, nous sommes le plus souvent abattus dès 18 mois. Il est désormais possible de nous recueillir pour que nous terminions notre existence dans de meilleures conditions. Une entreprise a même mis au point « l’œuf qui ne tue pas la poule » sous le label « Poulehouse ». Il s’agit tout simplement de nous donner une heureuse retraite tout en nous garantissant une existence conforme à nos besoins.
J’allais oublier de vous parler de nous, les coqs. Notre court destin n’est guère enviable. Jugés inutiles puisque ne pondant pas, nous sommes éliminés. Broyés dans des engins meurtriers, ou étouffés alors que nous ne sommes que des poussins.
La gloire du coq est devenue pathétique. Son cocorico s’apparente au chant du cygne… ●
July 13, 2020 at 11:08PM
https://ift.tt/3esMZZU
Lettre des animaux aux humains déconfinés : le coq - Charlie Hebdo
https://ift.tt/319kfmd
lettre
No comments:
Post a Comment