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Sunday, August 30, 2020

Lettre ouverte à… un ami tout juste ordonné prêtre - Aleteia : un regard chrétien sur l’actualité, la spiritualité et le lifestyle

kokselama.blogspot.com
Cher ami,

« Tu es prêtre à jamais » (Ps 109). Pourquoi toi ? « Ma vocation, écrit saint Jean-Paul II, est don et mystère » ; « Il appela à Lui ceux qu’Il voulait pour être avec Lui et les envoyer prêcher» ;« Nous sommes ici par la volonté du peuple, disait Mirabeau, nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes »… mais elle est versatile, la volonté du peuple. Nous sommes prêtres par la volonté de Dieu et l’appel de l’Église, et cela nous donne une force et une liberté que personne ne pourra jamais nous ravir. Un pasteur selon le cœur de Dieu est toujours libre et inclassable. « Je suis un mélange d’anarchiste et de conservateur, disait Jean Gabin, mais dans des proportions qui restent à déterminer. » Sois, sur ce plan, comme Gabin…

Tu entendras parfois que les prêtres sont « comme tout le monde ». C’est à la fois très vrai et profondément faux. C’est très vrai, nous sommes peut-être même plus « hommes » que bien des hommes, parce que nous mesurons notre faiblesse et notre péché à force de côtoyer la sainteté du Maître. Le sacerdoce est une réalité si haute qu’on ne peut que parfois le trahir. Nous sommes très humains aussi parce que nous tenons notre vie aux frontières des joies et des peines, aux confins du Ciel et de la Terre. Nous entrons dans les maisons bénir les malades, nous plongeons les enfants dans les eaux baptismales, nous sommes à l’Alpha et l’Omega, au balbutiement du nouveau-né et au râle du mourant. Nous portons de si grandes joies, de si lourdes peines et de si grands secrets… Nous savons ce qu’il y a dans l’homme.

Et en même temps, dire que nous sommes « comme tout le monde » est absolument faux. C’est d’ailleurs une parole vaine, car chaque homme est une exception. Nous ne sommes pas comme tout le monde, car nous sommes des hommes de Dieu qui agissons en la personne du Christ, revêtus de son autorité à la mesure de notre obéissance. L’essentiel de notre vie demeure une réalité cachée, celle de la prière, du travail et de la peine acceptée avec amour. Ne revendique pas cette « différence » comme un droit, assume-la comme un devoir. Avance avec Abraham « comme si tu voyais l’invisible ».

Toute fécondité s’enracine dans la vie intérieure, et, je te le dis, dans un secret que tu connais : elle s’obtient aussi dans la souffrance. Notre propre combat spirituel, les cris des hommes, nous frappent comme les vagues incessantes de la mer. « Le sacerdoce, disait le saint Curé d’Ars, c’est l’amour du cœur de Jésus », qui s’est blessé à la détresse des hommes. Les âmes s’enfantent dans la douleur et dans le renoncement à l’esprit de possession. Nous donnons toute notre vie pour faire naître Dieu dans les âmes, et nous devons accepter de ne jamais retenir pour nous la vie des autres. « Un seul est Père » (Mt 23, 9). Nous passons comme le Christ passe, dans la liberté d’un amour qui se donne entièrement sans jamais se laisser posséder. « Telle est ma joie, elle est complète, que Lui grandisse et que je diminue » (Jn 3, 29). Frère, que ta joie demeure !

Père Luc de Bellescize




August 30, 2020 at 04:16PM
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